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6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 00:12

Le Chat

Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.

Charles Baudelaire

 

Le chat de Baudelaire est superbe et ronronne merveilleusement, certes, mais retombe-t-il aussi sur ses pattes comme tous ses congénères de chair et d'os? Question assez incongrue pour trouver une place de choix en ces lieux. Et comment pourrions-nous mieux y répondre qu’en mettant notre animal poétique à l'épreuve.

Que se passera-t-il lorsque mon chat aura été agrippé par mon petit logiciel de traduction bon marché (Im Translator pour ne pas le nommer) et projeté sans ménagement d’une langue à l’autre : du français au russe, du russe à l’allemand, de l’allemand à l’anglais, de l’anglais au grec et pour finir, du grec au français ?
J'ajuste mes ciseaux et ma colle virtuels et hop, voilà le résultat :


Ga’ta

 Venez, ma ga'ta sympathique,  à mon coeur  à l'affection exactement
Les ongles de votre pied, permettent exactement à avec pour qu'ils
Voyti'xoyn  à vos yeux sympathiques, ana'mjxan au métal et à
L'agate.

Si mes doigts ?  au temps libre votre tête et votre front élastique,
Et même si ma main ?  du plaisir que soit touchée votre corps
électrique,

je vois ma femme à la raison1. Le regard, puisque votre
Propre, amical sotte profonde et froid, coupe est séparé exactement
Comme il jette la broche,

et le pied jusques à la tête, l'air
mince, le cerveau2 dangereux, qui nage autour du corps brunâtre.

 

Comme il s’est lamentablement vautré, étalé de tout son long, le malheureux! « Le cerveau qui nage autour du corps brunâtre », ce n’est pas très ragoûtant… Que mes lecteurs me le pardonnent : je ne m’attendais pas à un résultat aussi catastrophique et sanguinolent.

Vite! relisons une nouvelle fois le poème original pour retrouver notre Chat intact! Baudelaire a inventé les réversibilités, sachons donc nous en servir...

 

1. Remarquez comment la misogynie légendaire de Baudelaire disparaît miraculeusement dans ce vers. Quel retournement de situation inespéré !

 2. Pour les incrédules, dont j’ai fait un instant partie, j’offre le ralenti du plus tragique et improbable mouvement de notre félin : Le parfum > духи > Die Geiste > the mind > Το μυαλό > le cerveau

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