
Décidément, les artistes du béton qui font étalage de leur art au quotidien, sous ma fenêtre, me réservent de bien belles surprises.
Quelle ne fut ma stupeur, aujourd’hui, de les voir réaliser, en à peine quelques heures, une fresque colorée en hommage au génial Piet Mondrian. La maîtrise avec laquelle ces ouvriers ont su retrouver l’originalité et le pouvoir de sublimation des toiles du peintre hollandais est tout à fait sidérante.
On pourrait, certes, leur reprocher un certain gigantisme au regard des proportions de leur œuvre. Mais si vous voyiez la grandeur de leurs truelles et autres outils, vous comprendriez vite pourquoi ils ne donnent pas dans la miniature ou la peinture de chevalet. Imaginez la dentellière de Vermeer réalisant son fin ouvrage avec un poinçon de bourrelier...
Mais ces massons magnifiques s’avèrent être également de talentueux coloristes. Comme s’ils avaient eu vent de l’existence de mon blog et de ses couleurs favorites, ils ont pris soin de choisir un magnifique jaune #FFFF00 pour leurs planches vernies. Ne vous étonnez pas, dès lors, que je me sente comme galeriste en plein vernissage. Me reste-t-il d’ailleurs du champagne au frais ?
Mais voilà maintenant qu'ils amènent sur place d’énormes bâches de plastique blanc et qu’ils recouvrent une partie du chantier. Christo serait-il également de la partie ?
Cela fait plusieurs semaines que, sous mes fenêtres, des ouvriers du bâtiment virtuoses prétextent la construction d’un immeuble locatif pour, en vérité, exécuter une œuvre musicale, magistrale, brute et monumentale.
Je reste complètement abasourdi par le magnifique jeu en contrepoint d’un contremaître tonitruant et d’une surfaceuse à bras ; émerveillé aussi par ce canon fracassant pour deux massons et génératrice à courant continu.
D’autres que moi restent-ils ébahis devant le souffle épique de cette œuvre évoluant au quotidien ? Ma fenêtre est la seule dans les environs à rester ouverte à longueur de journée alors que tant d’autres donnent directement sur la fosse d'orchestre. Personne aux balcons, on ne s’arrête pas sur le trottoir d’en face, les ouvriers eux-mêmes accueillent avec scepticisme mes bravissimos : c’est à n’y rien comprendre…
Pour ma part, vivement que ces artistes du béton recommencent demain : je vais me régaler !